Les enfants Guarani meurent de faim

11 Avril 2005

Cette page a été créée en 2005 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.

Plusieurs communautés guarani-kaiowá se sont récemment réunies pour débattre de l'alarmante mortalité infantile due à la famine. Ils ont émis la déclaration suivante demandant la restitution d'une partie de leurs terres :

La mort de nos enfants : la famine et notre terre

Nous, leaders de la Commission des droits des indigènes guarani-kiowá, qui vivons dans l'Etat du Mato Grosso do Sul, nous sommes rencontrés pour discuter de ce problème dont tout le monde parle au Brésil, à savoir la mortalité infantile due à la famine. La mort de dizaines d'enfants ces derniers mois nous attriste profondément. Si nous sommes reconnaissants de l'aide et du soutien qui nous sont apportés, nous sommes révoltés de ne pas être écoutés et respectés quant à notre mode de vie et à nos droits.

La racine du problème est notre manque de terre. C'est la conséquence de l'histoire de la spoliation et de la destruction de nos territoires traditionnels, de la politique visant à nous confiner dans des réserves, de la perte de liberté et même d'envie de vivre. Ici, dans le Mato Grosso do Sul, nous, peuples indigènes, avons été expulsés de nos terres et assassinés afin que le bétail puis les grosses monocultures de soja prennent notre place. Ce fut un processus violent d'éradication de notre peuple et de nos modes de vie. Les forêts dans lesquelles nous chassions ont été détruites par les bûcherons et par les tracteurs des éleveurs de bétail. C'était dans ces forêts que nous récoltions nos fruits et notre miel, que nous trouvions les matériaux nécessaires à la construction de nos maisons et de nos outils.

La mort et la famine sont dues à plusieurs facteurs, parmi lesquels la perte de nos terres, qui conduit à l'effondrement de notre économie et de nos moyens de subsistance.

On ne peut discuter du problème comme si il s'agissait simplement de ‘donner à manger aux Indiens'. Et notre culture ne peut être tenue responsable de ces morts. Les solutions sont à chercher bien au-delà d'une simple distribution de nourriture de la part du gouvernement. Nous étions un peuple libre dans un environnement généreux. Aujourd'hui, notre vie dépend de l'aide du gouvernement. Cette politique nous semble paternaliste et ne nous permet pas de pouvoir à nouveau nous procurer notre propre nourriture. C'est comme si une arme était braquée sur notre tempe. Nous avons besoin de bonnes conditions pour cultiver à nouveau nos propres jardins, produire le manioc, la canne à sucre, la banane, la patate douce, le maïs, le haricot, le riz… Nous avons besoin d'aide pour faire revivre nos terres. Ces terres doivent être officiellement et légalement reconnues par le gouvernement, et leurs envahisseurs doivent en être chassés.

En violation de la Constitution fédérale et en contradiction avec la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, aujourd'hui encore, les politiques indigénistes publiques ne prennent pas en compte notre façon d'être, de vivre, de penser et de nous organiser. L'aide alimentaire du gouvernement est distribuée aux familles sans considération de l'adéquation de cette nourriture avec nos coutumes.

Le plus important est que nos terres soient légalement reconnues et protégées, que ses envahisseurs en soient expulsés. Ces terres comprennent Nhande Ru Marangatu (municipalité d'Antônio João), Lima Campo (Ponta Porã), Taquara (Juti), Ivycatu (Japorã), Guyraroka (Caarapó), Kokuei (Ponta Porã), Sucuriy (Maracajú). Il est aussi important de redéfinir les frontières des parcelles définies par le SPI (Service gouvernemental de protection des Indiens) au début du siècle dernier. Nous devons aussi être en mesure de rentrer chez nous pour cultiver nos jardins, produire notre propre nourriture et récupérer les terres appartenant à nos anciennes communautés qui ont été appauvries. Ces terres n'ont pas fait l'objet de rotation des cultures car il n'y a pas d'autres terres à cultiver. Nous devons avoir de l'eau potable dans les villages, un système sanitaire et des soins médicaux en accord avec nos cultures.

Mais par-dessus tout nous demandons le respect et la justice. Nous ne voulons pas être une nouvelle cause, objet de charité ou de projets paternalistes. Nous avons le droit d'être différents et d'être libres, d'exercer notre autonomie et d'être entendus lorsqu'il s'agit de définir les politiques qui s'appliquent à nos peuples.

Malgré nos blessures, nous ne sommes pas des vaincus. Nous avons foi en notre sagesse et nous croyons qu'un jour nous reconstruirons notre Terre, d'où le Mal aura été chassé.

Territoire indigène Caarapó, 5 Mars 2005

Silvio Paulo, Anastácio Peralto, Nito Nelson, José Bino Martins, Ladio Veron, Rosalino Ortiz

Commission des droits indigènes guarani-kiowá

Guarani
Peuple

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