Le Brésil lance une opération pour sauver les derniers survivants d’un peuple non contacté

19 Décembre 2018

Les derniers Kawahiva sont forcés à vivre en fuite pour échapper à des bûcherons armés et de puissants éleveurs. Cette image provient d’une vidéo tournée par des agents du gouvernement lors d’une rencontre fortuite en 2015. © FUNAI

Cette page a été créée en 2019 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.

Les autorités brésiliennes ont lancé une opération inhabituelle sur le terrain afin de protéger un peuple non contacté contre la violence d’éleveurs dans une région d’Amazonie qui détient le taux de déforestation illégale le plus élevé du pays.

Mais il est de plus en plus à craindre que, si les dernières mesures nécessaires pour le processus de protection des terres pour ce peuple ne sont pas prises rapidement, ce territoire ne sera jamais sécurisé.

Des fonctionnaires de la FUNAI, le département des affaires autochtones du Brésil, des agents spéciaux du Ministère de l’environnement et des policiers ont été envoyés sur place pour faire partir des éleveurs clandestins — souvent armés — du territoire autochtone des Kawahiva connu sous le nom de Rio Pardo, dans l’Etat du Mato Grosso.

L’opération s’est déroulée du 7 au 14 décembre. Les détails de l’opération ont été publiés hier par la FUNAI.

Le territoire des Kawahiva se trouve près de la ville de Colniza, dans l’une des régions les plus violentes du pays. 90% des ressources de cette municipalité proviennent de l’exploitation forestière illégale. Les Kawahiva sont des chasseurs-cueilleurs nomades, contraints de fuir constamment pour échapper à l’invasion de leur forêt.

Les membres restants du peuple sont les survivants de la violence génocidaire perpétrée par les envahisseurs venus exploiter les ressources naturelles de la région. Si le peuple évite les contacts avec le monde extérieur, c’est sans doute à cause de ces attaques, et aussi par peur des maladies véhiculées par les étrangers. Une véritable protection de leur territoire est le seul moyen de faire en sorte que leur droit à choisir de ne pas entrer en contact avec le monde extérieur soit respecté.

Mais le président élu Jair Bolsonaro s’est engagé à ne pas protéger davantage de terres autochtones, et les activistes craignent que le processus ne soit jamais achevé si la réserve des Kawahiva n’est pas entièrement protégée avant qu’il ne prenne ses fonctions.

Le grand public a découvert les Kawahiva en octobre 2015 lorsque Survival International a diffusé des images d’une rencontre fortuite avec des membres du peuple filmée par la FUNAI. Ces images sont parmi les plus étonnantes jamais filmées d’un peuple non contacté.


Le processus menant à la protection des terres des Kawahiva a commencé il y a quelques années lorsque leur existence a été confirmée et que le gouvernement a entrepris la délimitation leur territoire pour leur usage exclusif, comme l’exige la législation nationale et internationale. Mais le processus a été paralysé, exposant les Kawahiva aux risques de génocide et d’extinction.

Survival International, le mouvement mondial pour les peuples autochtones, a alors lancé une campagne — couronnée de succès — pour faire démarquer et protéger le territoire. Grâce à l’appui de l’acteur oscarisé Mark Rylance et de sympathisants dans plus de cent pays, le ministre Eugênio Aragão a promulgué le 19 avril 2016 un premier décret visant à la création d’un territoire protégé pour le peuple kawahiva.

Dans les années qui ont suivi, des élus de la ville de Colniza ont fait pression sur le ministre de la Justice pour que soit considérablement réduite la taille du territoire autochtone du Rio Pardo et que davantage d’exploitants forestiers, d’éleveurs et de producteurs de soja soient autorisés à s’y installer. Cependant, deux ans après la signature du décret, les autorités ont maintenant expulsé les envahisseurs.

Jair Candor dirige l’équipe de la FUNAI qui, avec l’aide notamment du ministère public, travaille pour la protection des terres des Kawahiva. Il a dit à Survival : « Je suis si heureux, c’est mon rêve. Nous avons beaucoup travaillé pour en arriver là et maintenant nous en récoltons les fruits […] Il est important que les gens sachent que nous ne sommes pas les seuls êtres humains sur cette planète : les Kawahiva et d’autres peuples non contactés sont là, dans la forêt. Nous devons protéger leur forêt. C’est leur seul espoir de survie. »

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : « Cette opération prouve qu’une campagne publique peut vraiment faire la différence quand il s’agit de stopper le génocide en cours de peuples non contactés. La récente vidéo du « Dernier de son peuple » montre comment peuvent finir les génocides — avec un seul survivant d’un peuple entier. Les Kawahiva ont subi de terribles traumatismes ces dernières décennies, mais certains d’entre eux ont survécu et nous sommes résolus à faire en sorte qu’ils ne partagent pas le destin de tant de peuples autochtones dans le passé. Si leur terre est protégée, ils peuvent prospérer, comme le font les Sentinelles dans les îles Andaman. Mais ils vont avoir besoin de toute l’aide possible dans les semaines à venir afin que le processus juridique de protection de leur terre soit mené à son terme. »

Note aux éditeurs :
Peuples non contactés
- Il y a plus de cent peuples non contactés à travers le monde. Ce sont des peuples autochtones qui n’ont aucun contact pacifique avec quiconque dans la société dominante.
- Les peuples non contactés ne sont pas les reliques primitives d’un passé révolu. Ce sont nos contemporains et ils constituent une part essentielle de la diversité humaine. Ils connaissent le monde extérieur et peuvent occasionnellement entrer en contact avec des peuples contactés vivant à proximité.
- Il existe des preuves irréfutables que les territoires autochtones sont le meilleur rempart contre la déforestation, tout particulièrement dans la forêt amazonienne.
- Les peuples non contactés sont les peuples les plus vulnérables de la planète. Des communautés entières sont anéanties par la violence perpétrée par des étrangers, qui volent leurs terres et leurs ressources, et par des maladies telles que la grippe ou la rougeole, contre lesquelles ils n’ont aucune résistance.
- Il n’est pas rare que 90% d’une population soit éradiquée suite à un premier contact.

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